Fiche de Synthèse : Le Commerçant Personne Physique
Introduction
- Liberté du commerce et de l’industrie (Décret d’Allarde 1791) : Fondement de l’économie de marché.
I. Définition du Commerçant (Art. L121-1 C.Com.)
- Personne qui accomplit des actes de commerce et en fait sa profession habituelle.
- Critères jurisprudentiels :
- Accomplir des actes de commerce.
- Agir en son nom et pour son compte (personnellement et indépendamment).
- De façon habituelle (profession).
A. Accomplissement d’Actes de Commerce
- Types d’actes de commerce :
- Par nature : Nécessitent spéculation (recherche de profit) et répétition. Attribuent la qualité de commerçant.
- Achat de biens (meubles/immeubles) pour les revendre.
- Opérations financières (banque, change).
- Courtage (rapprochement de personnes pour contracter).
- Activités industrielles (manufacture, transformation de matières premières).
- Location de meubles (voitures).
- Fourniture de services (gaz, eau, transport, spectacles lucratifs).
- Par la forme : Actes de commerce quelle que soit la personne et la fréquence. Pas de critère de répétition/spéculation.
- Lettre de change : Moyen de paiement à crédit. Toute signature est un acte de commerce.
- Sociétés commerciales : Leurs actes sont des actes de commerce par nature (ex: SARL achetant à une SA).
- Par accessoire : Acte civil qui devient commercial car effectué par un commerçant pour les besoins de son commerce (l’accessoire suit le principal).
- Ex: Achat de camionnette pour livraisons, contrat d’assurance pour locaux.
- Actes pour l’usage personnel du commerçant restent civils (achat maison pour habiter).
- Jurisprudence : Présomption simple que les actes d’un commerçant sont pour son commerce (renversable par preuve contraire).
B. Accomplissement en Son Nom et Pour Son Compte
- Agir de manière personnelle et indépendante.
- N’est pas commerçant : Salarié (vendeur), dirigeant de société (représentant légal).
C. Accomplissement à Titre de Profession Habituelle
- Activité continue permettant d’en retirer les moyens d’existence.
- Preuve facilitée par l’immatriculation au RCS (présomption).
II. Régime des Actes de Commerce
A. Actes entre Commerçants
- Régime dérogatoire au droit civil, adapté aux besoins des affaires (rapidité, spécificité).
- Compétence juridictionnelle : Tribunaux de commerce.
- Preuve : Libre (Art. L110-3 C.Com.). Le juge apprécie souverainement les preuves imparfaites.
- Clauses contractuelles :
- Clauses attributives de compétence territoriale : Valables.
- Clauses compromissoires (arbitrage) : Valables.
B. Actes Mixtes (entre Commerçant et Non-Commerçant)
- Acte de commerce pour le commerçant, acte civil pour le non-commerçant.
- Compétence du tribunal (dépend du défendeur) :
- Si défendeur non-commerçant : Demandeur commerçant saisit le TJ/Tribunal de proximité.
- Si défendeur commerçant : Demandeur non-commerçant a le choix (TC ou TJ).
- Preuve (dépend de la qualité des parties) :
- Si défendeur non-commerçant : Preuve selon règles civiles (écrit > 1500€).
- Si défendeur commerçant : Preuve libre pour le demandeur non-commerçant.
- Clauses contractuelles :
- Clauses compromissoires : Non valables à l’égard du non-professionnel.
- Clauses attributives de compétence territoriale : Non valables à l’égard du non-professionnel.
- Conséquence : Clause réputée non écrite, le reste du contrat valable.
III. Accès à la Profession de Commerçant
A. Principe : Liberté du Commerce et de l’Industrie (Décret d’Allarde 1791, valeur constitutionnelle).
B. Restrictions à l’Exercice du Commerce
- Liées à l’activité :
- Activités interdites (santé publique, ordre public : stupéfiants, organes).
- Activités réservées à l’État (timbres-poste, police).
- Activités réglementées (diplôme : pharmacien ; autorisation : débits de boissons).
- Liées à la personne :
- Capacité juridique : Seules les personnes capables peuvent être commerçantes.
- Incapables (mineur non émancipé, majeur sous tutelle/curatelle) : Ne peuvent être commerçants (incapacité de jouissance). Doivent vendre, louer-gérer ou apporter en société un fonds reçu.
- Majeur sous sauvegarde de justice : Peut théoriquement, mais actes rescindables pour lésion (insécurité juridique).
- Mineur émancipé : Peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles (loi 2010).
- Déchéances : Interdiction de commercer/gérer pour infractions liées aux affaires (vol, escroquerie).
- Incompatibilités : Interdiction pour certaines professions (fonction publique, officiers ministériels, professions libérales) pour éviter conflits d’intérêts (bénéfice vs. intérêt général/service). Sanctions pénales/disciplinaires. L’acte reste valable, le contrevenant est “commerçant de fait”.
- Commerçants étrangers : Nécessité de réciprocité (convention internationale) et/ou carte de commerçant étranger (délivrée par préfecture), sauf ressortissants EEE.
IV. Statut du Commerçant Personne Physique (Entreprise Individuelle - EI)
A. Protection du Patrimoine Personnel (depuis loi du 14 février 2022)
- Statut unique de l’entreprise individuelle : Séparation de plein droit entre patrimoine professionnel et personnel.
- Les créanciers professionnels ne peuvent saisir que le patrimoine professionnel (sauf exceptions : fraude, garanties personnelles).
- (Ancien EIRL permettait une déclaration d’affectation, régime complexe et peu utilisé).
B. Obligations du Commerçant
- Immatriculation au RCS (Registre du Commerce et des Sociétés) : Dans les 15 jours du début d’activité (via CFE). Numéro à mentionner sur documents.
- Effets :
- Publicité (informe les tiers). Qualité de commerçant opposable aux tiers.
- Présomption simple de la qualité de commerçant (preuve contraire possible).
- Commerçant non immatriculé (de fait) : Qualité inopposable aux tiers. Subit les contraintes du statut sans en bénéficier. Tiers peuvent choisir le régime applicable (civil ou commercial).
- Auto-entrepreneur : Dispensé d’immatriculation RCS (déclaration CFE/internet).
- Tenue de Documents Comptables Obligatoires (Art. L123-12 C.Com.) :
- Livres comptables (livre-journal, inventaire, grand livre).
- Documents annuels (bilan, compte de résultat, annexes).
- Principes comptables : Régularité, sincérité, image fidèle (Art. L123-14 C.Com.).
- Sanctions pénales pour irrégularités.
- Valeur probatoire : Comptabilité régulière admise comme preuve entre commerçants.
- Auto-entrepreneur : Obligations allégées (livre recettes, registre achats).
V. Le Commerçant et sa Famille (Régimes Matrimoniaux et PACS)
A. Commerçant Marié
- Régime légal (Communauté réduite aux acquêts) : ~90% des mariages.
- Actif :
- Biens propres : acquis avant mariage, par succession/donation pendant, biens par nature, biens remplaçant des propres (avec déclaration de remploi).
- Biens communs (acquêts) : acquis à titre onéreux pendant mariage (fonds de commerce), revenus professionnels, revenus des biens propres. Présomption de communauté (preuve contraire par acte notarié).
- Gestion :
- Biens propres : Pouvoirs exclusifs (sauf logement familial et meubles meublants).
- Biens communs : Pouvoirs concurrents (sauf fonds de commerce : gestion par l’époux exerçant la profession - Art. 1421 al.2 C.Com.).
- Passif (dettes) :
- Principe : Dettes communes (engagent biens propres du débiteur + biens communs). Inconvénient pour l’EI (créanciers peuvent saisir biens communs).
- Exceptions : Emprunt/cautionnement sans accord de l’autre n’engage que propres et revenus du débiteur. Dettes d’un époux n’engagent pas revenus pro de l’autre.
- Dettes ménagères (entretien ménage, éducation enfants) : Solidarité (Art. 220 C.Civ.).
- Régime de la Séparation de Biens : Nécessite contrat de mariage notarié.
- Pas de biens communs, chaque époux propriétaire de ses biens et tenu de ses dettes.
- Exceptions : Dettes ménagères (solidarité), protection logement familial.
- Avantageux pour protéger le conjoint du commerçant.
B. Commerçant Pacsé (Art. 515-1 C.Civ.)
- Contrat écrit (acte sous seing privé suffit).
- Régime légal (équivalent séparation de biens) : Chaque partenaire administre et dispose seul de ses biens.
- Solidarité pour dettes de la vie courante.
- Option possible pour régime de l’indivision : Biens acquis pendant PACS appartiennent pour moitié à chacun (sauf biens personnels, avant PACS, succession/donation). Gestion plus lourde (accord des deux pour actes importants sur fonds de commerce).
VI. Le Conjoint du Commerçant
A. Conjoint participant à l’exploitation commerciale (Loi 10 juillet 1982)
- Trois statuts (pour éviter travail dissimulé) : salarié, associé, collaborateur. Étendus au partenaire pacsé (loi 2008).
- Conjoint Salarié : Pas commerçant. Participe effectivement, professionnellement, habituellement. Salaire ≥ SMIC. Protection sociale.
- Conjoint Associé (ex: SARL de famille) : Pas commerçant. Pouvoirs de gestion selon statuts (co-gérant possible).
- Conjoint Collaborateur (fréquent) : Pas commerçant. Mention RCS. Pas de rémunération (profite des fruits).
- Pouvoirs : Réputé avoir mandat pour actes d’administration/gestion courante (présumés faits au nom du commerçant).
- Actes de disposition sur fonds de commerce : dépendent du régime matrimonial.
- Séparation : Seul le propriétaire du fonds décide.
- Communauté (fonds commun) : Consentement des deux époux.
B. Conjoint ne participant pas à l’exploitation
- Activités professionnelles séparées. Règles des régimes matrimoniaux s’appliquent pour actes sur fonds de commerce.